OMEL 89 : Chronique d’une journée sous pression.

Le plus difficile, ce jour-là, fut de garder l’esprit pleinement concentré sur le jeu. Ce samedi, pendant mes préparatifs, j’ai même oublié de prendre mon petit-déjeuner. Dès le premier round, je me sentais déjà ailleurs. Heureusement, mon adversaire manquait encore d’expérience.

L’OMEL, ce 20 septembre, affichait un visage renouvelé. De nombreux nouveaux joueurs étaient présents, signe que les efforts de promotion déployés par les précédents bureaux avaient porté leurs fruits. Une belle dynamique, même si je me sentais un peu perdu au milieu de tous ces visages inconnus. J’échangeais avec presque tout le monde, sans pour autant pouvoir mettre un nom sur chacun. La famille des échecs togolais s’agrandit, c’est une excellente nouvelle. Reste maintenant à fédérer ces talents autour de projets motivants.

Au deuxième round, je suis tombé face au jeune Yao Antoine, que je connaissais seulement en ligne sans l’avoir jamais reconnu en vrai. J’ai opté pour ma vieille défense Alekhine, et il s’y est immédiatement embourbé. Il ne me restait plus qu’à patienter pour transformer cet avantage en victoire. Mais la faim, ou quelque chose d’autre, maintenait mon esprit à distance du plateau.

— Peut-être était-ce simplement l’envie d’affronter un adversaire à ma hauteur ?

Cette impression s’est confirmée au round suivant face à Bruno, alias « le Tigre ». Cette fois, j’étais bien dans ma partie. Même si je l’ai perdue, je m’y attendais un peu : j’avais choisi une ouverture contre laquelle il avait déjà prouvé son efficacité. Mais pourquoi tout révéler à la veille du championnat national ? J’ai préféré garder quelques surprises pour le prochain tournoi.

Round 4 : Piccolo a tenté sa chance. Sans succès. J’ai remarqué que les parties s’éternisaient anormalement. Pourtant, le début des rounds était plutôt bien géré, notamment grâce à Daniel, le directeur de l’OMEL, qui a aidé l’arbitre à accélérer les inscriptions. Mon inquiétude, à ce stade, portait surtout sur l’éclairage. Si la nuit nous surprenait, la terrasse de l’hôtel ne serait pas assez éclairée pour jouer dans de bonnes conditions. Juste décorative, cette lumière m’avait déjà pénalisé une fois.

Mon cinquième adversaire fut le Maestro Agusto, invaincu et fraîchement vainqueur de Difendramakada (alias Gohan). Je lui ai opposé la Défense française. Menée par un général « Le Clair », sa victoire aurait été surprenante. Il s’est étouffé seul avec son temps. Ironie du sort : Firmin, celui-là même qui m’avait aidé à perfectionner cette défense contre le jeu tactique de Thierry (alias Freezer), m’a opposé la même Défense française à son tour. Visiblement, il me prenait pour un fou 😅. J’ai répondu e5, l’obligeant à sortir des sentiers battus. Et ça, ça a réveillé le général en moi. J’ai pris plaisir à manœuvrer comme une armée russe, mais avec une différence de taille : sous mon commandement, les pertes sont minimes. Je ne suis pas Seigneur Freezer ; je suis Goku.

La nuit tombait. Il fallait en finir au plus vite avec la septième ronde. Pour cela, je devais battre Gohan. Je savais exactement comment m’y prendre, avec ma variante « Leclairienne » de la Ruy Lopez. Dans mes moments libres, j’aime personnaliser les ouvertures classiques. Les joueurs sous les 2000 Elo peuvent s’y casser les dents.

J’avais un développement serein, une attaque précise, un avantage positionnel, un meilleur temps au chrono, et une faim de victoire bien palpable… au point d’oublier mes problèmes de vision. La luminosité était devenue insuffisante. Mon adversaire jouait avec les noires, plus difficiles à distinguer, contrairement à mes blanches que je calculais facilement. Quand j’ai réalisé que la nuit était là, il était trop tard : je venais de perdre un cavalier, capturé par un fou « fantôme ». Et les coups invisibles se sont enchaînés. Ma position, pourtant victorieuse, s’est transformée en chaos. J’ai abandonné.

L’OMEL venait de m’arracher la victoire… pour l’offrir à Difendramakada.